LES BELLES AMERICAINES de Jean-François Vautrin
Les belles américaines
de Jean-François Vautrin
Jean-François Vautrin, né le 3 août 1947 à Nancy, est diplomé de l’École Nationale Supérieure des Beaux Arts de Nancy (1963 - 1966) et de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris (1966 - 1969, section « Design »)
Il est passé, au cours de sa vie, d’une peinture expressionniste monochrome à une peinture extrêmement rigoureuse et réaliste, très colorée, appliquée sur de grands formats et, conformément au « dogme » hyperréaliste, représentant des paysages urbains américains : la rue, le cop américain, voitures, camions, boîtes à lettres,
bornes à incendie, reflétant un amour « Duchampien » pour les objets industriels - lui qui fut très tôt formé à les étudier, ce dont témoignent les légendes, annotations techniques, flèches, cotes – semi- ironiques – qui parsèment ses toiles d’alors : Pompe bleue (1983), Pompe O (1984), les Éclaireurs (1984), USA, ton histoire fout le camp ! (1982)…
Outre cet hyperréalisme des carrosseries amoureusement léchées à la Don Éddy se mêlent à son travail les couleurs vives du Pop-Art et la stylisation des comics (dans lesquels ce courant a si largement puisé son inspiration) : comment le nierait-il lui qui signait « Mad Vautrin » en référence à la célèbre revue américaine de bandes dessinées qui servit de modèle à Pilote ? – ainsi qu’un art des grands formats décoratifs, à la technique faussement naïve, empreint d’un travail sur la lumière faisant penser à David Hockney.
Que trouve t’on aujourd’hui dans l’atelier de l’artiste ? Deux sortes de toiles.
Réminiscence du peintre Jean Hélion, de Dick Tracy, ou bien présence hitchcockienne de l’artiste dans ses tableaux, l’homme au chapeau, extrait d’une œuvre antérieure, anonyme et stylisé, hante son travail, devenant au fil de ses recréations colorée - aux harmonies toujours justes et aux couleurs toujours de plus en plus osées (à la Carole Benzaken ou à la Hockney de nos jours) – la signature
indubitable d’un artiste prenant avant tout plaisir à peindre. Outre le plaisir : la cérébralité, dans une autre catégorie de toiles constituées de collages, citations, aux formats grandioses et aux couleurs flamboyantes, qui n’en finissent pas de renfermer et de raconter des histoires, à l’image de ce conteur sans pareil qu’est J.F. Vautrin dans la vie. Renouant avec le genre renaissant des allégories, il y traite de thèmes universels aux résonances philosophiques (l’amour, le jeu, la maternité etc.)
et aux dimensions multiples et vertigineuses (autobiographique, politico-sociale, esthétique…)
Cette re-visitation du genre allégorique lui octroie une place véritablement à part parmi les peintres actuels – plus préoccupés d’abstraction ou d’actualité, du corps et de son nombril, de dérision voire d’autodérision – tandis que sa manière de jouer
des couleurs et des collages ne fait peut-être que témoigner de la seule prise qu’il reste aujourd’hui aux artistes pour s’approprier un monde dans lequel un nombre phénoménal d’influences nous tiraillent : organiser une vision du monde personnelle et artiste.
Audrey Técher